Salut ! Info : Il y a une erreur sur la photo. Le départ se fait de Châtillon.
Ça fait bizarre de passer une nuit normale. J’ai dû m’endormir en moins de trente minutes hier soir ! Et pour la première fois, c’est le réveil qui m’a rappelé où j’étais. J’ai d’ailleurs eu un moment de flottement qui a duré quelques minutes. Le plus curieux est que j’étais moins bien réveillé que quand je dors peu. Heureusement que le soleil brille, je n’ai pas trop envie de sortir. 😉 Je suis content que la météo se soit plantée ! Au bar où je vais déjeuner, un monsieur me confirme qu’il va faire beau. Et ajoute qu’au Col du Grand St Bernard il y a de… la neige ! Je me dis que j’ai eu beaucoup de chance. A quelques jours près j’y avais droit.
Je prends le temps de bien apprécier mes deux cafés avec croissants, à défaut d’avoir des tartines. La patronne est très sympa dans son établissement bien entretenu et tout coloré. Idéal pour émerger en douceur.
Une fois prêt, je la salue et reprends la route de la veille en sens inverse. Pas de perte de temps ce matin : à peine ai-je parcouru cent mètres que je dois monter des marches très raides. Arrivé au sommet, devant l’église, j’enchaîne avec une petite route qui monte encore. Je la quitte pour un sentier qui, lui, grimpe méchamment sans que j’ai le temps de m’échauffer. Ce n’est pas grave, il fait beau, bon, et je suis en tee-shirt. Arrivé sur les hauteurs, je profite bien de la vue pour prendre quelques photos. Et remarque la couleur du ciel. Ce qui arrive ne ressemble pas à du beau temps ! Effectivement, moins de trente minutes plus tard, il pleut. Cette fois, j’anticipe bien avant en mettant toutes mes affaires à l’abri. Ayant démarré avec l’idée qu’il pleuvrait, je suis on ne peut plus prêt. Heureusement que je l’étais ! Excepté une accalmie d’un quart d’heure, il a plu sans arrêt pendant que je marchais. A ce moment-là j’ignorais que j’arriverai sous le soleil, et les applaudissements de la foule en délire… nan, ça c’est mon fantasme. 😉 En un quart d’heure je suis bien trempé. Mais ça ne me dérange pas. La folle journée de la veille m’a fait passer un cap. En effet, avant de m’endormir j’ai remarqué que j’avais beaucoup moins mal aux muscles des jambes. Et ce matin, j’ai de suite senti qu’elles réagissaient mieux. Du coup, cette pluie incessante est accueillie différemment puisque je suis en meilleure forme. Je continue d’avancer comme je le fais habituellement. Sauf que le ciel est tout gris, que la brume s’installe, et que je suis entièrement sous les eaux. Je ressens très vite comme un plaisir d’être trempé. Gamin, ça nous arrivait de nous laisser entièrement piégés par la pluie avec des copains. Ensuite, on allait jouer dans la boue… et on rentrait dégueulasses. Là, le point commun est que je me laisse volontairement bien tremper, pour pouvoir aller « plus loin ». Une fois tout mouillé, je ne peux pas l’être davantage. Et je sais par expérience que la pluie, quand elle est acceptée, peut nous emmener là où l’on s’y attend le moins
J’ai ainsi pu profiter de ma journée au maximum. Bien sûr, les insectes étaient absents, les balises aussi parfois ! Mais pour le reste, j’ai fait comme d’habitude : je me suis arrêté pour regarder et surtout écouter les rus, ruisseaux, rivières et autres torrents. J’ai aussi pris la peine de m’arrêter régulièrement pour regarder le ciel et les montagnes… quand la brume se faisait plus discrète. J’ai fait un détour pour monter voir une église sise en contrebas d’un château que l’atmosphère rendait mystérieux. Quelques secondes auparavant les cloches m’avaient sorti de l’embarras à un moment où j’hésitais entre deux directions. Quel beau détour ! Comme d’habitude, je m’arrête à chaque fontaine. J’y bois ou me mouille les lèvres. Je m’y rafraîchis les mains… alors que je suis déjà tout mouillé. Je me suis découvert ces petits gestes sur ce Chemin.
Je contemple aussi beaucoup la beauté de la vallée. Sous ces tons gris orageux, elle reste belle. Majestueuse. C’est une autre beauté qu’elle arbore. Les énormes nuages qui la traversent lui donnent une autre dimension. Tout cela ressemble à un immense tableau, avec une multitude de détails. Et pour ne pas faire tache, ne pas dépareiller, je me laisse inonder d’eau de pluie. Il arrive un moment où je sens que je fais partie de ce tableau. Là. Aujourd’hui. Maintenant. J’aime ça. Mon âme aime ça. Et contre toute attente, mon corps aussi aime ça !
J’enroule les kilomètres. Croise des gens sous abri qui me regardent perplexes. Je me rends compte que j’affiche un sourire béat… voire niais. Je me sens tellement bien !
Le temps passe doucement. Aujourd’hui les balises ne sont pas trop capricieuses, même si elles m’ont encore fait quelques frayeurs. C’est stressant de marcher dans ces conditions. Et sous cette pluie, je ne me vois pas progresser avec le topo-guide en main. D’autant plus que je déteste avoir les deux mains occupées en marchant. Sauf quand des arbres très généreux abaissent leurs branches pour m’offrir leurs fruits délicieux. Ce matin, j’ai droit à différentes variétés de pommes, et des prunes. Je me suis régalé… sous la pluie. 😉
Arrivé dans le petit village d’Oley, je vois deux marcheuses devant moi. A 100 mètres. Comme je marche mieux ce matin, je m’en rapproche. Mais je n’en ai pas envie, alors je me pose sur un banc abrité de la pluie par des balcons magnifiquement fleuris. Je fais une petite pause de dix minutes et repars. La rivière, gonflée par les pluies récentes gronde. Mon regard est alors attiré par deux canards qui survolent le cours d’eau avec une aisance surprenante. Une fois hors de mon champ de vision, je me dis « Au fait, ne serait-ce pas ici que je dois passer sur l’autre rive si je veux éviter un passage dangereux décrit dans le topo-guide ? ». Ne me souvenant plus du village en question, je décide de trouver un abri plus loin afin de regarder tout ça dans le détail. Revoilà les deux marcheuses. Elles retournent sur leurs pas. On se salue. L’une d’elles m’interpelle et m’informe… qu’on leur a conseillé de passer de l’autre côté de la rive. J’ai la réponse à ma question ! Finalement, refroidies par l’étape d’hier, où comme moi elles ont perdu les balises à Nus, elles décident de continuer par la route. J’en fais autant en leur laissant plusieurs minutes d’avance. Je veux être seul. Je pense qu’elles aussi souhaitent rester entre amies.
La pluie continue de tomber quand je commence ce qui va être un très long tronçon sur du béton. Mais comme je marche beaucoup plus vite que les jours précédents, j’ai le moral. Je sais que je vais y arriver. Et c’est ce qui se passe. Au-delà même de mes espérances puisque j’arrive sous le soleil ! Je me pose enfin à l’Auberge de jeunesse où le personnel est aux petits soins avec moi. On me lave mon linge qui me sera rendu sec et plié. Les chaussures détrempées me seront ramenées nettoyées et un peu humide, mais je n’en demandais pas tant. Le soir, c’est une vraie cuisine de famille qui vient couronner ce qui fut une magnifique journée de pluie. Si on m’avait dit qu’un jour j’aimerais à ce point marcher sous la pluie, je ne l’aurais pas cru.
En y repensant, dès ma première étape de Bourg St Pierre au Col du Grand St Bernard, j’ai été fasciné par l’eau. Une fascination récurrente. Aujourd’hui, je n’ai pas fait que marcher sous la pluie. Je me suis senti la pluie. Je me suis senti dans le Tout. Je ne regarderai plus les gouttes de pluie tomber comme avant…
A bientôt !
Mahdi du Camino
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