Salut !
Enfin ! Le grand jour est arrivé. Celui des retrouvailles avec les sentiers. J’ai beau m’être habitué aux routes, je sens que cela enlève bien du potentiel à ma marche. Mon esprit n’est pas disponible. Il est constamment sur le qui-vive. A regarder si les voitures et les camions ne se rapprochent pas trop de moi. Si tel conducteur n’est pas au téléphone. Bref, aucune place pour l’introspection.
Hier soir, quand Franco m’a expliqué le parcours, j’étais pressé de le découvrir. De plus, il s’agit d’une nouvelle voie que lui et des membres de son association mettent en place : la via ghibellina. En rapport avec l’histoire des guelfes et des gibelins. Pour Franco, un chemin doit aussi raconter une histoire. Nous cultiver. Et surtout, il doit se partager. Pour appuyer son argumentaire, il propose de m’accompagner quelques kilomètres. J’en suis ravi. Mon premier compagnon de marche.
Quand nous prenons la route ce matin, nous nous éloignons rapidement de la circulation. Nous prenons de la hauteur. Ce qui nous permet d’avoir une vue splendide sur Florence. Franco agrémente nos conversations d’anecdotes culturelles, en lien avec des bâtisses ou des ruines jalonnant notre parcours.
C’est tellement gréable de ne pas être dérangés par la circulation ! Je sens que mon esprit et mon corps retrouvent vite les marques du début de ce périple. Les odeurs sont les premières à se manifester. En particulier celles des figuiers, de la menthe, et du romarin. Un régal pour les narines. De beaux papillons tournent autour de nous. Des lucanes et de gros escargots partagent « leur » route avec les deux pèlerins de passage. De vieilles églises et de magnifiques demeures attirent le regard. C’est bon de (re)marcher dans ces conditions.
Je me rends vite compte que mes pieds apprécient le nouveau revêtement qui leur est offert. De plus, ayant fait deux petites étapes (18 et 12 kms) avant d’arriver chez Franco, je les sens bien reposés. Heureusement, car me calquant sur son rythme, j’ai aussi hoisi de m’adapter à ses pauses… il n’en fera aucune. Ça m’a rassuré sur l’état de mes pieds. Plus de 5 heures de marche sans s’arrêter. Sauf pour les photos. Et encore, on ne peut pas vraiment dire que Franco s’arrête… 😉
Il m’a accompagné sur une vingtaine de kilomètres ! Marchant, m’expliquant ses motivations pour le.balisage du chemin, et collant des stickers de l’association ici et là. Toujours pour faciliter l’orientation des futurs marcheurs.
Quand sa femme vient le récupérer, on se quitte avec la traditionnelle photo, l’espoir de se revoir, et l’envie que « La via ghibellina » se fasse connaître. De fait, je deviens un testeur. Un pionnier de la voie naissante. En quittant Franco, je lui dis que si je ne poste rien sur Facebook durant trois jours, c’est que je suis perdu dans les bois. Et qu’en désespoir de cause j’ai commencé à me construire une maison… 😉
Mais je n’ai aucun problème quand je me retrouve seul. Hormis deux ou trois hésitations qui ne me porteront pas préjudice. Je retrouve vite cette envie d’en découdre. La Toscane, bien que très jolie, est très vallonnée. Pour un marcheur, ça veut dire pas de repos. Tu montes. Tu descends. Tu remontes. Et ainsi de suite. Parfois, ça monte raide. Très raide ! Et il fait très chaud. Me vient très vite l’impression d’être pris dans une bagarre. Dans le même temps, j’ai des flash de tout mon parcours. En particulier des dix premiers jours, où j’étais confronté à la haute montagne. Et je me dis que l’entraînement reçu n’était pas vain. Même les coups durs n’étaient pas gratuits. Je pense que tout chemin nous prépare à la suite. A nous de savoir le comprendre, l’interpréter, et l’accepter.
J’ai connu des températures bien plus élevées. Pourtant, je transpire énormément. Evidemment, je bois beaucoup plus, aussi. Parfois, je suis tellement penché dans une montée, que je sens tout le poids du sac sur le bas du dos. J’ai l’impression d’être plié en deux, le tronc parallèle au sentier ! Mais là encore, je ne lâche rien. J’adapte automatiquement mon pas à la nature du terrain. Cailleux, terre, feuilles mortes, plat, montée. Tout se fait instinctivement.
J’arrive ainsi à l’hébergement de la Casa Cares, que je connais bien. En 2005, venant de Jérusalem, nous y avions passé 10 jours : Yoann avait été victime d’une tendinite. À l’époque, Paul, le propriétaire des lieux, nous avait gracieusement hébergé le temps que Yoann se remette. Je trouvais donc normal de passer le saluer. Et de dormir là.
A Casa Cares, je passe une bonne soirée avec des personnes âgées en vacances quelques jours. Il y a aussi de jeunes adolescents en camp d’été. Et un groupe de volontaires venus du monde entier pour participer à la vie commune de la maison. Rien n’a changé.
J’échange peu avec Paul. Il est très occupé, et moi fatigué. Je n’ai qu’une envie : me coucher. Après vous avoir donné quelques nouvelles, bien sûr.
Je me rapproche du but. Curieusement, peu avant mon arrivée chez Franco, je me disais que cette dernière partie, Florence-Assise, allait être décisive. Je sens qu’elle va me plaire. Mais je m’attends aussi à ce qu’elle soit difficile. Peut-être même très difficile. Somme toute, à la hauteur de l’entraînement reçu jusqu’ici.
Je retrouve les sentiers. La nature. Les difficultés. Mais pas seulement. Après le départ de Franco, à peine ai-je pénétré dans le sous-bois qu’une impression que je n’éprouvais plus depuis longtemps m’a repris : je ne suis pas seul.
Prenez bien soin de vous, et à bientôt !
Mahdi du Camino
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